par Pierre Céré
Porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses
Quelqu’un qui travaille, qui paye ses cotisations à l’assurance-emploi et qui perd son emploi suivant un « manque de travail » ou une « fin de contrat », peut se voir refuser l’accès aux prestations d’assurance-emploi. Des milliers de travailleurs et de travailleuses de l’industrie saisonnière, à chaque automne, vivent ce cauchemar. C’est vrai en Haute-Côte-Nord et dans la région de Charlevoix, en Gaspésie, dans le Bas du Fleuve, en Abitibi, dans la région de Montréal et d’ailleurs.
Une partie de l’emploi au Québec repose sur une industrie saisonnière : tourisme, pêche, aménagement paysager, etc. À la fin de cette saison, personne, jamais, n’est certain de pouvoir se qualifier aux prestations de chômage. En effet, on se qualifie à partir de son adresse de résidence, en fonction d’un taux de chômage rattaché à sa région, taux qui est recalculé à chaque mois. De plus, ces régions sont des régions administratives dont le découpage opéré par le gouvernement fédéral en 2000 est complètement arbitraire.
Ainsi, autour de Montréal, un résident de Mirabel et un autre de Lachute, deux municipalités géographiquement proches, relèvent de régions distinctes : Mirabel est rattaché à Montréal alors que Lachute fait partie du Centre du Québec. Ces deux « voisins » qui habitent l’un à Mirabel et l’autre à Lachute auront pu travailler au même endroit, faire les mêmes tâches, pendant la même période de temps, au même salaire : l’un se qualifiera alors que l’autre non. Pourquoi? Parce que selon la Commission de l’assurance-emploi (dorénavant appelé « Service » Canada), ils n’habitent pas la même région, les taux de chômage sont différents et donc l’admissibilité serait aussi calculée différemment : dans l’une on se qualifierait avec, par exemple, 560 heures alors que l’autre serait fixée à 595 heures de travail. Voilà le résultat de l’arbitraire fait loi et où le fonctionnement et les procédures sont à cette image : cyniques.
Les exemples de ce type se multiplient à travers l’ensemble du Québec. Ainsi, la Haute-Côte-Nord et Charlevoix sont rattachés à une région administrative qui inclue le Bas du Fleuve, une partie du Saguenay et du Lac St-Jean, et d’autres secteurs de la Côte-Nord. Les réalités de cette région administrative ne sont pas les mêmes d’un secteur à l’autre, avec comme conséquence que les critères d’admissibilité ont été relevés et que de nombreuses personnes de la Haute-Côte-Nord et de Charlevoix ne parviendront pas à se qualifier. Et s’ils se qualifient, ce sera pour une période de prestations plus courte. Pourquoi? Parce qu’un taux de chômage à la baisse a deux conséquences : plus d’heures de travail pour se qualifier pour recevoir moins de semaines de prestations. Qui en seront les victimes? Les salariés de l’industrie saisonnière et, de façon générale, l’économie de leur région.
C’est l’arbitraire qui mène dans les bureaux du Ministère des Ressources humaines du Canada, responsable de la loi de l’assurance-emploi : arbitraire décidé, calculé, voulu.
Manifestement, les routes de l’assurance-emploi en direction d’Ottawa sont bloquées. Nous prenons acte et réclamons dorénavant le rapatriement de ce programme au Québec, afin que nous en fassions un régime adapté aux besoins de la population travailleuse, dénué de ces iniquités.
