Dans son cahier « Perspective », Le Devoir du week-end dernier publiait deux articles sur l’assurance-emploi et les conséquences de la réforme proposée par le gouvernement conservateur. En voici les coordonnés et quelques extraits.
«Assurance-emploi – La chasse aux « Bougon » saisonniers», Guillaume Bourgault-Côté, Le Devoir, samedi 2 juin 2012
«En forçant les » prestataires fréquents » de l’assurance-emploi à accepter pratiquement n’importe quel emploi rémunéré à 70 % de leur ancien salaire, le gouvernement estime qu’il » aidera les Canadiens à retourner sur le marché du travail « . Sur le terrain – notamment en Gaspésie -, ils sont toutefois plusieurs à penser qu’Ottawa réussira plutôt à affaiblir des industries entières. [...]
Nous vous référons à l’article complet, mais gardons un extrait où notre porte-parole intervient:
« [...] M. Céré s’inquiète surtout pour les » prestataires fréquents [ceux qui ont présenté trois demandes ou plus et qui ont touché plus de 60 semaines de prestations dans les cinq dernières années], qui sont clairement visés par la réforme. Ça va toucher de plein front les travailleurs saisonniers des Maritimes, mais aussi de toutes les régions du Québec ou l’activité saisonnière est importante. Et ça inclut Montréal. «
«Perte d’expertise
Parce qu’il y a bien sûr les travailleurs de la pêche, des forêts ou du tourisme qui pourraient désormais devoir accepter des emplois de tous types entre les périodes de travail régulier. Mais ils ne sont pas seuls : tous les travailleurs à contrat seront aussi touchés [voir la lettre ouverte adressée à Harper que nous reproduisons sur notre site]. Ce qui veut dire, par exemple, les professeurs non permanents, dont le contrat est renouvelé chaque année mais qui touchent des prestations durant l’été. Ce qui veut aussi dire des milliers de techniciens qui oeuvrent sur les plateaux de tournage de télévision, de cinéma, de publicité. [...]»
« Plusieurs craignent d’ailleurs que des milliers de travailleurs soient forcés d’accepter des emplois qui les éloigneront à terme de leur champ d’activité – sans compter que les employeurs pourraient être tentés d’offrir des conditions au rabais aux chômeurs, sachant qu’ils pourraient perdre leurs prestations en cas de refus.
« » Il y aura une grande perte d’expertise pour les employeurs, assure Danie Harvey, du Mouvement action-chômage de Charlevoix [aussi membre du CNC]. Si les gens ne peuvent pas faire le pont entre deux saisons touristiques, ils vont prendre le travail qu’on leur offre et ne reviendront pas la saison suivante. Ça veut dire que les employeurs saisonniers devront chaque année recommencer avec de nouveaux employés. Ce sera une roue infernale qui va nuire à l’économie de la région. «
«Le directeur du Département de sciences économiques de l’UQAM, Stéphane Pallage, pense lui aussi que les » changements pourraient avoir pour effet d’inciter les travailleurs à chercher des emplois plus permanents, ce qui pénalisera l’emploi saisonnier. Ça pourrait changer la structure économique de certaines régions « , dit-il. [...]»
« Devant la tournure des événements, M. Céré estime aujourd’hui plus pertinente que jamais l’idée que Québec demande à Ottawa de gérer lui-même le système d’assurance-emploi. » Il faut sortir de là « , suggère le porte-parole du Conseil national des chômeurs… qui assurément ne chômera pas dans les prochains mois. » J’ai hâte de voir comment tout ça sera appliqué concrètement « , dit-il.»
Petit résumé des différentes modifications proposé au cours des vingt-cinq dernières années:
«Des années de resserrement 1990: Le gouvernement Mulroney réduit les prestations offertes. 1993: Les employés qui démissionnent ou sont congédiés pour mauvaise conduite perdent le droit de recevoir des prestations. Le taux de chômeurs couverts par le système passe de 85 % à 65 %. 1994: La valeur des prestations passe à 55 % du salaire moyen. Elle était à 66 % quelques années plus tôt. 1996: Le gouvernement Chrétien réduit l’accessibilité au régime, établie selon les heures travaillées et non plus selon les semaines travaillées. Le taux de couverture passe de 65 % à moins de 50 %.»
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Pour une illustration clair de l’impact de cette contre-réforme sur une région où le travail saisonnier est endémique, nous vous référons au second article, dont voici quelques extraits.
«Assurance-emploi – La Gaspésie en émoi», Thierry Haroun, Le Devoir, 2 juin 2012
«La réforme de l’assurance-emploi annoncée la semaine dernière par le gouvernement fédéral est reçue avec colère et indignation en Gaspésie, où l’on craint déjà l’exode d’une partie de la population. Le Devoir est donc allé de port en port et d’usine en usine le long de la côte au bout du Québec pour mieux comprendre les conséquences qu’induiront sous peu les modifications apportées à l’assurance-emploi, dont l’apport financier pour les familles gaspésiennes est souvent synonyme de survie pendant les longs mois d’hiver. [...]»