«Le chaos de l’assurance emploi», Le Soleil, 6 février 2013, Jean-Simon Gagné
Ce matin, nous nous permettons de citer le commentaire de Jean-Simon Gagné du journal Le Soleil.
«(Québec) L’assurance emploi, c’est le petit dernier de l’administration fédérale. Le cadet avec sa coupe de cheveux en forme de bol, qui porte les pantalons à marée haute de ses frères et soeurs. L’éternel mal-aimé à qui le gouvernement a piqué 57 milliards $ de surplus, entre 1992 et 2007.
Depuis des années, la gestion du programme apparaît aussi chaotique qu’une distribution de vestes de sauvetage sur un navire en perdition, après qu’on eut annoncé que la moitié des canots de sauvetage sont inutilisables, et que les passagers ont droit à un concert de pipeau, en guise de consolation…
Encore aujourd’hui, la moindre demande de renseignements téléphoniques peut tourner au cauchemar. Dans la moitié des cas, il faut plus de cinq jours pour obtenir un retour d’appel! Le quart des réponses écrites prennent plus de 28 jours. Dans n’importe quel autre service administratif, ces chiffres provoqueraient l’émoi. Le scandale.
Avec l’assurance emploi, c’est le contraire. On se réjouit! Parce que figurez-vous que l’an dernier, c’était pire. Un grand nombre de chômeurs patientaient plus de 45 jours avant de recevoir leur premier chèque. Plus de 22 000 attendaient depuis au moins 123 jours. Rendu aussi profond dans l’abysse des fausses promesses, tu ne croises plus personne. À part Lance Armstrong, peut-être?
[...]
«Peu importe. Quand on y pense, l’assurance emploi n’a jamais péché par excès d’humanisme. Mais avec sa dernière réforme, le gouvernement Harper atteint tout de même un niveau d’hypocrisie administrative rarement égalé. Dire une chose, et faire exactement le contraire. Quitte à vider les mots de leur substance, comme des citrons pressés.
- Pour commencer, la ministre des Ressources humaines, Diane Finley, affirme qu’il ne s’agit pas vraiment d’une réforme. Plutôt d’une «clarification» des règles.
- De la même manière, Service Canada ne dit pas qu’elle ferme des centres de services, à travers le Québec. On «modernise» ou on «consolide» les activités.
- Le gouvernement jure qu’il ne veut pas forcer les chômeurs à déménager, en particulier ceux qui détiennent des emplois saisonniers. Il veut seulement «jumeler des Canadiens aux emplois disponibles».
- L’administration se défend d’imposer aux fonctionnaires des «quotas» de prestations à couper. Elle définit plutôt des «objectifs» en matière d’économies budgétaires.
Plus bonimenteur que cela, tu fournis le mouchoir imbibé de chloroforme aux électeurs, accompagné d’un oreiller parfumé à l’eau de rose et d’un nounours en peluche avec le visage de Stephen Harper.
Bonne nuit les poussinots. Bonne nuit les poussinettes.
À la fin, l’administration ne fera pas un bilan de tout cela, mais plutôt une «évaluation sommative», au printemps 2017. D’ici là, malheur à ceux qui contesteront une décision administrative. Ceux-là devront se colletailler à un processus d’appel qui semble avoir été conçu par un obsédé compulsif du jeu de Serpents et échelles. À charge pour eux de tirer leur épingle du jeu, comme le moine de cette historiette célèbre.
«Un moine avait demandé à son supérieur s’il était permis de fumer en priant.
- Bien sûr que non! lui avait répondu ce dernier, d’un air indigné.
Le lendemain, le moine demanda au supérieur s’il était permis de prier en fumant.
Le supérieur lui répondit alors que non seulement la chose était permise, mais qu’il s’agissait d’une habitude admirable.»
Référence:
«Le chaos de l’assurance emploi», Le Soleil, 6 février 2013, Jean-Simon Gagné.