Par Pierre Céré
Porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses
Dans l’Est du Canada, le gouvernement conservateur, avec sa réforme de l’assurance-emploi, est dans l’eau chaude. C’est probablement pour cette raison qu’il dépêche ses ministres pour nous entretenir des supposées légendes urbaines « que les opposants à la réforme colportent ».
Ainsi, le Ministre des Anciens Combattants, Steven Blaney, tient à nous rappeler certaines « vérités ». Par exemple, que « le gouvernement a injecté des milliards de dollars dans la caisse d’assurance-emploi qui était déficitaire. »
Sur ce seul sujet, il y a un certain nombre de choses que nous devons savoir. Par exemple, que si la caisse fut déficitaire entre 2009 et 2011, pendant la crise, elle est depuis redevenue excédentaire (en 2012). Surtout, sachons que l’article 80 de la loi d’assurance-emploi prévoit qu’en cas de déficit, le gouvernement avance les sommes nécessaires qui seront par la suite remboursées avec intérêt. C’est comme ça… Et ce n’est pas d’hier.
Ajoutons un autre élément d’importance : le « compte d’assurance-emploi » a été aboli par le gouvernement de Stephen Harper au printemps 2009 ! Il a été remplacé par le « compte des opérations de l’assurance-emploi », tout cela prenant effet rétroactivement le 1er janvier 2009, afin d’effacer les surplus accumulés entre 1995 et 2008, soit 57,2 milliards de dollars. Par ce tour de passe-passe, le gouvernement Harper remettait les compteurs à zéro et effaçait sa dette contractée envers les cotisants, puisqu’il s’était approprié l’entièreté de ces sommes. Fantastique manœuvre comptable.
Peut-être le Ministre Blaney ne connaît pas la loi d’assurance-emploi, qu’il commente pourtant abondamment, peut-être ment-il. Dans les deux cas, c’est inacceptable.
Pour sa part, la Ministre Finley a nié, il y a quelques semaines, devant la Chambre des Communes et aussi devant la population, le fait que ses enquêteurs avaient des quotas individuels à atteindre (40 000 $ par mois). Si elle avait fini par concéder qu’il y avait effectivement des grands objectifs par région canadienne (115 millions dans l’Ouest, 120M au Québec, 110M en Ontario et 58M dans les Maritimes), elle contestait toujours celui des objectifs individuels. Comprenons que « quota » et « objectif à atteindre » ont certaines similarités, mais bon… Depuis, d’autres documents ont coulé, provenant de l’intérieur même de son Ministère, prouvant hors de tout doute ce système de quotas. Selon un enquêteur, son travail ne consiste plus à débusquer la fraude mais bien à utiliser tout prétexte pour faire couler un prestataire qui aurait, par exemple, fait de « fausses représentations » sur sa disponibilité au travail.
Devons-nous être réconforté quand le gouvernement nous dit qu’il ne faut pas s’inquiéter? « Personne ne perdra ses prestations s’il n’y a aucune possibilité d’emploi dans sa collectivité » répète inlassablement la Ministre Finley.
Pourtant, depuis quelques semaines, les gens reçoivent ce genre de lettre : « Vous devrez modifier vos exigences pour augmenter vos chances d’emploi. […] Vous devrez chercher un travail similaire ou différent, à un salaire plus bas que votre emploi précédent. […] Vous devrez accepter de plus longues heures de travail ou des heures variées et que vous soyez disposé(e) à changer de localité pour vous ajuster aux offres d’emplois. Nous communiquerons avec vous […] pour déterminer si vous êtes disposé à supprimer certaines restrictions ou si vous êtes prêt(e) à modifier vos exigences. » Nous comprenons que l’arbitraire fera loi.
Tous les mécanismes de cette réforme sont en place et nous avons tous compris : ces mesures n’ont rien à voir avec une quelconque aide à l’emploi. Il s’agit bel et bien de mesures de compressions au régime d’assurance-emploi, visant en tout premier lieu ceux dorénavant définis comme « prestataires fréquents » soit, à 80%, des travailleurs de l’industrie saisonnière.