«L’incohérence du gouvernement fédéral» par Diane Bellemare

Dans sa page Idées, Le Devoir publie un texte de Diane Bellemare, économiste et fellow au CERANO, sur « L’incohérance du gouvernement fédéral » en ce qui a trait aux modifications à l’assurance-emploi.

«Le gouvernement fédéral fait fausse route en adoptant une réforme de l’assurance-emploi qui s’attaque aux symptômes d’un marché du travail dysfonctionnel plutôt que de chercher à en éliminer les causes réelles. […]

«S’il est évident qu’il faut revoir en profondeur le programme d’assurance-emploi pour qu’il réponde mieux aux impératifs de l’économie d’aujourd’hui, ce n’est pas en triturant la notion d’emploi acceptable et en créant diverses catégories de prestataires qu’on améliorera l’efficacité de cette protection sociale indispensable.

«En revanche, la nouvelle règlementation réduira de manière importante les prestations versées. Est-ce l’objectif poursuivi ? Tout mettre en œuvre pour générer des surplus au compte de l’assurance-emploi qui serviront à réduire le déficit fédéral comme dans les années 1990. Si c’est le cas, le gouvernement est mal avisé et fait preuve d’une incompréhension profonde du fonctionnement du marché du travail.

«Les chômeurs fréquents [...]

«Considérons le cas des chômeurs fréquents, dont la très grande majorité (81,8 %) manifeste des comportements saisonniers car leur demande de prestations débute généralement au même moment de l’année que les demandes antérieures. Qui sont ces personnes ? Près de la moitié d’entre elles sont issues des industries de la construction et de la fabrication et des services d’enseignement, lesquels, à l’exception de la construction, ne sont pas des industries saisonnières classiques comme la pêche, l’agriculture et le tourisme. Près de 70 % de ces chômeurs saisonniers proviennent du Québec (39,5 %) et des Maritimes (27,6 %). Ces chômeurs affichent un comportement saisonnier à cause de la nature temporaire des contrats d’emploi qui les lient à leur entreprise et en raison du manque d’emplois disponibles dans leur secteur. Cette problématique affecte principalement les provinces à l’est de l’Ontario, soit celles où le taux de chômage est, depuis des décennies, plus élevé que la moyenne canadienne. C’est aussi dans ces provinces et ces secteurs que l’on constate les taux de postes vacants parmi les plus faibles au Canada.

«En d’autres mots, dans ces provinces et dans ces secteurs, il y a généralement plus de chômeurs qui se disputent un emploi disponible qu’ailleurs. À titre d’exemple, au troisième trimestre de 2011, il y avait 5,1 chômeurs (ayant travaillé dans les 12 derniers mois) dans l’industrie de la construction pour un emploi disponible ; il y avait respectivement 4,8 et 10 chômeurs pour un emploi dans les secteurs de la fabrication et de l’enseignement. [...]» [C’est nous qui soulignons]

L’auteur termine en qualifiant l’assurance-emploi comme étant un programme de supplément du revenu et souligne au passage que :

« Ainsi, le chômeur fréquent est bien plus le résultat de pratique de gestion de ressources humaines afin de procurer un revenu d’emploi décent au plus grand nombre de personnes possible que le résultat de pratiques frauduleuses de la part de profiteurs du système. [...]»

Diane Bellemare – Économiste et fellow associée à CIRANO

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Vives réactions de plusieurs

Ces dernières semaines, nous avons entendu bien des réactions aux annonces faites par les conservateurs. L’inquiétude des gens est grande.

D’autres, comme hier avec la Lettre à M. Harper et le commentaire laissé par Monsieur «Toutant», nous l’écrivent.

Ce matin, nous nous permettons de reprendre ce dernier et d’y répondre.

Je finis de travailler habituellement milieu Nov. et recommence fin Mars. Je suis mécanicien marine. On me trouve un emploi chez M.X,
monsieur X fait quoi quand je retourne à mon travail habituel fin Mars?
J’ai 59 ans.

Monsieur «Toutan»

La question de savoir ce qui arrivera à l’employeur est bien loyale.

Toutefois, nous avons bien d’autres préoccupations. Avec les modifications de la loi telles que présentées, il n’y a aucune obligation pour un employeur de reprendre son ancien salarié aux mêmes conditions. En d’autres mots, pourquoi le réembaucherait-il à son plein salaire s’il sait que ce dernier est obligé d’accepter un emploi jusqu’à 70 % de sa rémunération habituelle? Cela reposera seulement sur l’« amabilité » de l’employeur.

Autre interrogation. Qu’adviendra-t-il de ce travailleur temporairement sur le chômage, qui aura dû accepter un emploi « permanent » durant la saison morte, lorsqu’il reprendra son travail comme mécanicien marine, lors de sa prochaine mise à pied à la fin de la saison? Comme il aura quitté volontairement son précédent emploi pour un boulot non permanent (saisonnier), ses prestations lui seront certainement refusées parce qu’il se sera mis volontairement en situation de précarité.

Quel cercle vicieux pour un grand nombre de prestataires fréquents d’assurance-emploi!

 

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Deux articles sur l’assurance-emploi dans le Devoir de la fin de semaine

Dans son cahier « Perspective », Le Devoir du week-end dernier publiait deux articles sur l’assurance-emploi et les conséquences de la réforme proposée par le gouvernement conservateur. En voici les coordonnés et quelques extraits.

«Assurance-emploi – La chasse aux « Bougon » saisonniers», Guillaume Bourgault-Côté, Le Devoir, samedi 2 juin 2012

«En forçant les  » prestataires fréquents  » de l’assurance-emploi à accepter pratiquement n’importe quel emploi rémunéré à 70 % de leur ancien salaire, le gouvernement estime qu’il  » aidera les Canadiens à retourner sur le marché du travail « . Sur le terrain – notamment en Gaspésie -, ils sont toutefois plusieurs à penser qu’Ottawa réussira plutôt à affaiblir des industries entières. [...]

Nous vous référons à l’article complet, mais gardons un extrait où notre porte-parole intervient:

« [...] M. Céré s’inquiète surtout pour les  » prestataires fréquents [ceux qui ont présenté trois demandes ou plus et qui ont touché plus de 60 semaines de prestations dans les cinq dernières années], qui sont clairement visés par la réforme. Ça va toucher de plein front les travailleurs saisonniers des Maritimes, mais aussi de toutes les régions du Québec ou l’activité saisonnière est importante. Et ça inclut Montréal. « 

«Perte d’expertise

Parce qu’il y a bien sûr les travailleurs de la pêche, des forêts ou du tourisme qui pourraient désormais devoir accepter des emplois de tous types entre les périodes de travail régulier. Mais ils ne sont pas seuls : tous les travailleurs à contrat seront aussi touchés [voir la lettre ouverte adressée à Harper que nous reproduisons sur notre site]. Ce qui veut dire, par exemple, les professeurs non permanents, dont le contrat est renouvelé chaque année mais qui touchent des prestations durant l’été. Ce qui veut aussi dire des milliers de techniciens qui oeuvrent sur les plateaux de tournage de télévision, de cinéma, de publicité. [...]»

« Plusieurs craignent d’ailleurs que des milliers de travailleurs soient forcés d’accepter des emplois qui les éloigneront à terme de leur champ d’activité – sans compter que les employeurs pourraient être tentés d’offrir des conditions au rabais aux chômeurs, sachant qu’ils pourraient perdre leurs prestations en cas de refus.

« » Il y aura une grande perte d’expertise pour les employeurs, assure Danie Harvey, du Mouvement action-chômage de Charlevoix [aussi membre du CNC]. Si les gens ne peuvent pas faire le pont entre deux saisons touristiques, ils vont prendre le travail qu’on leur offre et ne reviendront pas la saison suivante. Ça veut dire que les employeurs saisonniers devront chaque année recommencer avec de nouveaux employés. Ce sera une roue infernale qui va nuire à l’économie de la région. « 

«Le directeur du Département de sciences économiques de l’UQAM, Stéphane Pallage, pense lui aussi que les  » changements pourraient avoir pour effet d’inciter les travailleurs à chercher des emplois plus permanents, ce qui pénalisera l’emploi saisonnier. Ça pourrait changer la structure économique de certaines régions « , dit-il. [...]»

« Devant la tournure des événements, M. Céré estime aujourd’hui plus pertinente que jamais l’idée que Québec demande à Ottawa de gérer lui-même le système d’assurance-emploi.  » Il faut sortir de là « , suggère le porte-parole du Conseil national des chômeurs… qui assurément ne chômera pas dans les prochains mois.  » J’ai hâte de voir comment tout ça sera appliqué concrètement « , dit-il.»

 

Petit résumé des différentes modifications proposé au cours des vingt-cinq dernières années:

«Des années de resserrement 1990: Le gouvernement Mulroney réduit les prestations offertes. 1993: Les employés qui démissionnent ou sont congédiés pour mauvaise conduite perdent le droit de recevoir des prestations. Le taux de chômeurs couverts par le système passe de 85 % à 65 %. 1994: La valeur des prestations passe à 55 % du salaire moyen. Elle était à 66 % quelques années plus tôt. 1996: Le gouvernement Chrétien réduit l’accessibilité au régime, établie selon les heures travaillées et non plus selon les semaines travaillées. Le taux de couverture passe de 65 % à moins de 50 %.»

 

***

Pour une illustration clair de l’impact de cette contre-réforme sur une région où le travail saisonnier est endémique, nous vous référons au second article, dont voici quelques extraits.

«Assurance-emploi – La Gaspésie en émoi», Thierry Haroun, Le Devoir, 2 juin 2012

«La réforme de l’assurance-emploi annoncée la semaine dernière par le gouvernement fédéral est reçue avec colère et indignation en Gaspésie, où l’on craint déjà l’exode d’une partie de la population. Le Devoir est donc allé de port en port et d’usine en usine le long de la côte au bout du Québec pour mieux comprendre les conséquences qu’induiront sous peu les modifications apportées à l’assurance-emploi, dont l’apport financier pour les familles gaspésiennes est souvent synonyme de survie pendant les longs mois d’hiver. [...]»

 

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